Madame de Staël
«Sobre la literatura y sus relaciones con la libertad»
(1800)
Traducción española de Jesús G. Maestro*
De la Littérature La liberté, la vertu, la gloire, les
lumières, ce cortège imposant de l’homme dans sa dignité naturelle, ces idées
alliées entre elles, et dont l’origine est la même, ne sauraient exister
isolément. Le com-plément de chacune est dans la réunion de toutes. Les âmes
qui se complaisent à rattacher la destinée de l’homme à une pensée divine,
voient dans cet ensemble, dans cette relation intime entre tout ce qui est
bien, une preuve de plus de l’unité morale, de l’unité de conception qui
dirige cet univers. Les progrès de la littérature, c’est à
dire, le perfectionnement de l’art de penser et de s’exprimer, son
nécessaires à l’établissement et à la conservation de la liberté. Il est
évident que les lumières sont d’autant plus indispensables dans un pays, que
touts les citoyens qui l’habitent ont une part plus immédiate á l’action du
gouvernement. Mais ce qui est également vrai, c’est que l’égalité politique,
principe inhérent à toute constitution philosophique, ne peut subsister, que
si vous classez les différences d’éducation, avec encore plus de soin que la
féodalité n’en mettait dans ses distinctions arbitraires. La pureté du
langage, la noblesse des expressions, images de la fierté de l’âme, sont
nécessaires surtout dans un état fondé sur les bases démocratiques. Ailleurs,
de certaines barrières factices empêchent la confusion totale des diverses
éducations; mais losrque le pouvoir ne repose que sur la supposition du
mérite personnel, quel intérêt ne doit-on pas mettre à conserver à ce mérite
tous ses caractères extérieurs! Dans un état démocratique, il faut
craindre sans cesse que le désir de la popularité n’entraîne à l’imitation
des moeurs vulgaires; bientôt on se persuaderait qu’il est inutile, et
presque nuisible, d’avoir une supériorité trop marquée sur la multitude qu’on
veut captiver. Le peuple s’accoutumerait à choisir des magistrats ignorants
et grossiers; ces magistrats étoufferaient les lumières; et, par un cercle
inévitable, la perte des lumières ramènerait l’asservissement du peuple.
Il est impossible que, dans un état
libre, l’autorité publique se passe du consentement véritable des citoyens
qu’elle gouverne. Le raisonnement et l’éloquence sont les liens naturels
d’une association républicaine. Que pouvez-vous sur la volonté libre des
hommes, si vous n’avez pas cette force, cette vérité de langage qui pénètre
les âmes, et leur inspire ce qu’elle exprime?
Si les hommes appelés à diriger l’état n’ont point le secret de
persuader les esprits, la nation ne s’éclaire point, et les individu
conservent, sur toutes les affaires publiques, l’opinion que le hasard a fait
naître dans leur tête. Un des principaux motifs pour regretter l’éloquence,
c’est qu’une telle perte isolerait les hommes
entre eux, en les livrant uniquement à leurs impressions personnelles. Il faut opprimer lorqu’on ne
sait pas convaincre; dans toutes les relations politiques des gouvernants et
des gouvernés, une qualité de moins exige une usurpation de plus.
Des institutions nouvelles doivent
former un esprit nouveau dans les pays qu’on veut rendre libres. Mais comment
pouvez-vous rien fonder dans l’opinion, sans le secours des écrivains
distingués? Il faut faire naître le désir au lieu de commander l’obéissance;
et lors même qu’avec raison le gouvernement souhaite que telles institutions
soient établies, il doit ménager assez l’opinion publique, pour avoir l’air
d’accorder ce qu’il désire. Il n’y a que des écrits bien faits qui puissent à
la longue diriger et modifier de certaines habitudes nationales. L’homme a,
dans le secret de sa pensée, un asile de liberté impénétrable à l’action de
la force; les conquérants ont souvent pris les moeurs des vaincus: la
conviction a seule changé les anciennes coutumes. C’est par les progrès de la
littérature qu’on peut combattre
efficacement les vieux préjugés. Les gouvernements, dans les pays
devenus libres, ont besoin, pour détruire les antiques erreurs, du ridicule
qui en éloigne les jeunes gens, de la conviction qui en détache l’âge mûr;
ils ont besoin, pour fonder de nouveaux établissements, d’exciter la
curiosité, l’espérance, l’enthousiasme, les sentiments créateurs enfin, qui
ont donné naissance à tout ce qui existe, à tout ce qui dure (prospera); et
c’est dans l’art de parler et d’écrire que se trouvent les seuls moyens
d’inspirer ces sentiments.
La activité nécessaire à toutes les
nations libres, s’exerce par l’esprit de faction, si l’accroissement des
lumières n‘est pas l’objet de l’interêt universel, si cette occupation ne
présente pas une carrière ouverte à tous, qui puisse exciter l’ambition
générale. Il faut d’ailleurs une étude constante de l’histoire et de la
philosophie, pour approfondir et pour répandre la connaissance des droits et
des devoirs des peuples, et de leurs magistrats. La raison ne sert, dans les
empires despotiques, qu’à la résignation individuelle; mais, dans les états
libres, elle protége le repos et la liberté de tous.
Parmi les divers développements de
l’esprit humain, c’est la littérature philosophique, c’est l’éloquence et le
raisonnement que je considère comme la véritable garantie de la liberté. Les
sciences et les arts sont une partie très importante des travaux intellectuels;
mais leurs découvertes, mais leur succès n’exercent point une influence
immédiate sur cette opinion publique qui décide de la destinée de nations.
Les géomètres, les physiciens, les peintres et les poètes recevraient des
encouragements sous le règne de rois tout-puissants, tandi que la philosophie
politique et religieuse paraîtrait à de tels maîtres la plus redoutable des
insurrections. Ceux qui se livrent à l’étude des
sciences positives, ne rencontrant point dans leur route les passions des hommes,
s’accoutument à ne compter que ce qui est susceptible d’une démonstration
mathématique. Les savants classent presque toujours parmi les illusions, ce
qui ne peut être soumis à la logique du calcul. Ils évaluent d’abord la force
du gouvernement, quel qu’il soit; et comme ils ne forment d’autre désir que
de se livrer en paix à l’activité de leurs travaux, ils sont portés à
l’obéissance envers l’autorité qui domine. La méditation profonde qu’exigent
les combinaisons des sciences exactes, détourne les savants de s’intéresser
aux événements de la vie; et rien ne convient mieux aux monarques absolus,
que des hommes si profondément occupés des lois physiques du monde, qu’ils en
abandonnent l’ordre moral à qui voudra s’en saisir. Sans doute les
découvertes des sciences doivent à la longue donner une nouvelle force à
cette haute philosophie qui juge les peuples et les rois; mais cet avenir
éloigné n’effraie point les tyrans: l’on en a vu plusieurs protéger les
sciences et les arts; tous ont redouté les ennemis naturels de la protection
même, les penseurs et les philosophes.
La poésie est de tous les arts celui
qui appartient de plus près à la raison. Cependant la poésie n’admet ni
l’analyse, ni l’examen qui sert à découvrir et à propager les idées
philosophiques. Celui qui voudrait énoncer une vérité nouvelle et hardie,
écrirait de préférence dans la langue qui rend exactament et précisément la
pensée; il chercherait plutôt à convaincre par le raisonnement qu’à entraîner
par l’imagination. La poésie a été plus souvent consacrée à louer qu’à
censurer le pouvoir despotique. Les beaux arts, en général, peuvent
quelquefois contribuer, par leurs jouissances mêmes, à former des sujets tels
que les tyrans les désirent. Les arts peuvent distraire l’esprit par les
plaisirs de chaque jour, de toute pensée dominante; ils ramènent les hommes
vers les sensations, et ils inspirent à l’âme une philosophie voluptueuse,
une insouciance raisonnée, un amour du présent, un oubli de l’avenir très
favorable à la tyrannie. Par un singulier contraste, les arts, qui font
goûter la vie, rendent assez indifférents à la mort. Les passions seules
attachent fortement à l’existence, par l’ardente volonté d’atteindre leur
but; mais cette vie consacrée aux plaisirs, amuse sans captiver; elle prépare
à l’ivresse, au sommeil, à la mort. Dans les temps devenus fameux par des
proscriptions sanguinaires, les Romains et les Français se livraient aux
amusements publics avec le plus vif empressement; tandi que dans les
républiques heureuses, les affections domestiques, les occupations sérieuses,
l’amour de la gloire, détournent souvent l’esprit des jouissances mêmes des
beaux arts. La seule puissance littéraire qui fasse trembler toutes les
autorités injustes, c’est l’éloquence généreuse, c’est la philosophie
indépendante, qui juge au tribunal de la pensée toutes les institutions et
toutes les opinions humaines.
L’influence trop grande de l’esprit
militaire, est aussi un imminent danger pour les états libres; et l’on ne
peut prévenir un tel péril, que par les progrès des lumières et de l’esprit
philosophique. Ce qui permet aux guerriers de jeter quelque dédain sur les
hommes de lettres, c’est parce que leurs talents ne sont pas toujours réunis
à la force et à la vérité du caractère. Mais l’art d’écrire serait aussi une
arme, la parole serait aussi une action, si l’énergie de l’âme s’y peignait
tout entière, si les sentiments s’élevaient à la hauteur des idées, et si la
tyrannie se voyait ainsi attaquée par tout ce qui la condamne, l’indignation
généreuse et la raison inflexible. La considération alors ne serait pas
exclusivement attachée aux exploits militaires; ce qui nécessairement expose
la liberté.
La discipline bannit toute espèce
d’opinion parmi les troupes. À cet égard, leur esprit de corps a quelques
rapports avec celui des prêtres; il exclut de même le raisonnement, en
admettant pour unique règle la volonté de supérieurs. L’exercice continuel de
la toute-puissance des armes finit par inspirer du mépris pour les progrès
lents de la persuasion. L’enthousiasme qu’inspirent des généraux vainqueurs,
est tout à fait indépendant de la justice de la cause qu’ils soutiennent. Ce
qui frappe l’imagination, c’est la décision de la fortune, c’est le succès de
la valeur. En gagnant des batailles, on peut soumettre les ennemis de la
liberté; mais pour faire adopter dans l’interieur les principes de cette
liberté même, il faut que l’esprit militaire s’efface; il faut que la pensé,
réunie à des quelités guerrières, au courage, à l’ardeur, à la décision,
fasse naître dans l’âme des hommes quelque chose de spontané, de volontaire,
qui s’éteint en eux lorsqu’ils ont vu pendant longtemps le triomphe de la
force. L’esprit militaire est le même dans tous le siècles et dans tous les
pays; il ne caractérise point la nation, il ne lie point le peuple à telle ou
telle institution. Il est également propre à les défendre toutes.
L’éloquence, l’amour des lettres et des beaux arts, la philosophie, peuvent
seuls faire d’un territoire une patrie, en donnant à la nation qui l’habite
les même goûts, les mêmes habitudes et le mêmes sentiments. La force se passe
du temps, et brise la volonté; mais par cela même elle ne peut rien fonder parmi
les hommes. L’on a souvent répété dans la révolution de France, qu’il fallait
du despotisme pour établir la liberté. On a lié par des mots un contresens
rien à la vérité des choses. Les institutions établies par la force,
imiteraient tout de la liberté, excepté son mouvement naturel; les formes y
seraient comme dans ces modèles qui vous effraient par leur ressemblance:
vous y retrouvez tout, hors la vie. |
Sobre la literatura La libertad, la virtud, la gloria, las luces,
cortejo grandioso del hombre en su natural dignidad, ideas aliadas entre sí,
y cuyo origen es el mismo, no podrían existir aisladamente. El complemento de
cada una de ellas está en la reunión de todas. Las almas que se complacen en
incorporar el destino del hombre a un pensamiento trascendente ven en este
conjunto, en esta relación íntima entre todo cuanto es bueno, una prueba más
de la unidad moral, de la unidad en las concepciones que dirigen el universo. El
progreso de la literatura, es decir, el perfeccionamiento del arte de pensar
y de expresarse, es necesario para la constitución y la conservación de la
libertad. Es evidente que las luces son tan indispensables en un país como el
hecho de que todos los ciudadanos que lo habitan desempeñan un papel
inmediato en el ejercicio de gobierno. Pero también es cierto que la igualdad
política, principio inherente de toda constitución filosófica, no puede
subsistir si no establecéis en la educación las debidas diferencias, con
mucho más cuidado del que puso el feudalismo en sus arbitrarias jerarquías.
La pureza del lenguaje, la nobleza de las expresiones, imagen de la dignidad
del alma, son especialmente necesarias en un estado construido sobre la base
de la democracia. Por otro lado, ciertas barreras impiden artificialmente una
total confusión entre las diversas formas de educación; sin embargo, cuando
el poder no reposa en el reconocimiento del mérito personal, ¡cuánto interés
no hemos de poner en que este mérito conserve todas sus virtudes públicas! En un estado democrático hay que temer
constantemente que el deseo de popularidad desemboque en la imitación de
costumbres vulgares; más bien tendríamos que persuadirnos de que es algo
inútil, e incluso nocivo, alcanzar, frente a una multitud a la que se trata de
cautivar, una superioridad demasiado manifiesta. El pueblo se acostumbraría a
elegir magistrados ignorantes y zafios; tales magistrados eclipsarían las
luces e, inevitablemente, la pérdida de las luces conduciría al servilismo
del pueblo. Es imposible que en un estado libre la autoridad
pública pueda transgredir el consenso legítimo de los ciudadanos sobre los
que gobierna. La razón y la elocuencia son los medios naturales de una
sociedad republicana. ¿Qué pretendéis de la libre voluntad de los hombres, si
carecéis de esta fuerza, de esta verdad del lenguaje que penetra en las almas
y que les inspira cuanto ella misma les explica? Si los hombres llamados a
dirigir el estado no poseen el secreto de la convicción, la nación no será
una nación ilustrada, y los individuos tendrán, respecto a los asuntos
públicos, la opinión que el azar genere en sus cabezas. Una de las
principales consecuencias que habría que lamentar con la pérdida de la
elocuencia sería el aislamiento de los hombres entre sí, abandonados únicamente
a sus impresiones personales. Cuando no se es capaz de convencer resulta
necesario reprimir; en toda relación política entre gobernantes y gobernados,
una cualidad de menos exige una usurpación de más. Las nuevas instituciones deben forjar una nueva mentalidad
en aquellos países que pretenden instituirse en libertad. Mas, ¿cómo podréis
fundamentar algo en la opinión pública sin el auxilio de escritores
distinguidos? Hay que estimular el deseo en lugar de exigir obediencia. Y aun
cuando con razón un gobierno considere que tales instituciones han de
establecerse, deberá siempre respetar la opinión pública, para demostrar que
así consensúa lo que desea. Sólo los buenos escritos pueden a la larga
dirigir y modificar determinados hábitos nacionales. En lo íntimo de su
pensamiento el hombre conserva un refugio de libertad impenetrable a la
acción de la fuerza; los conquistadores han asimilado con frecuencia las
costumbres de los vencidos: la convicción ha cambiado por sí misma
tradiciones ancestrales. Sólo a través del progreso de la literatura es
posible combatir eficazmente viejos prejuicios. En aquellos países en los que
llega a reinar la libertad, los gobiernos han necesitado, para acabar con
antiguos errores, del ridículo que aparta a los jóvenes de ellos, así como de
la convicción que en la edad madura nos separa igualmente de tales errores;
han necesitado, en suma, para fundamentar las nuevas instituciones, del
ejercicio de la curiosidad, de la esperanza, del entusiasmo, de los
sentimientos creativos que, en definitiva, han sido el origen de todo cuanto
existe y de todo cuanto prospera, porque precisamente en el arte de hablar y
de escribir se encuentran genuinamente los medios que inspiran tales
sentimientos. La actividad que necesita cualquier nación libre
ha de manifestarse a través de un espíritu de acción; si el florecimiento de
las luces no es objeto de interés universal, si esta ocupación no representa
una carrera abierta a todos, ¿qué puede impulsar entonces la ambición
general? Es preciso, por otra parte, un estudio constante de la historia y de la filosofía, con el
fin de profundizar en el conocimiento de los derechos y deberes de los
pueblos y sus magistrados, y con el fin de contribuir también a su difusión.
En los imperios despóticos la razón sólo sirve a la resignación individual,
pero en los estados libres la razón salvaguarda la paz y la libertad de
todos. Entre los diversos progresos del espíritu
humano, considero que la literatura filosófica, la elocuencia y la razón son
los que verdaderamente garantizan la libertad. Las ciencias y las artes
constituyen una parte muy importante del trabajo intelectual, pero sus
descubrimientos y sus logros no ejercen una influencia inmediata en la
opinión pública de decide el destino de las naciones. Matemáticos, físicos,
pintores y poetas reciben favores bajo el dominio de reyes todopoderosos,
mientras que la filosofía política y religiosa representa ante tales feudos
la más temible de las insurrecciones.
Quienes se confían al estudio de las ciencias
positivas no se enfrentan en su camino con las pasiones humanas, pues
simplemente perciben lo que es susceptible de una demostración matemática.
Los científicos consideran casi siempre como ilusiones todo lo que no se
puede someter a la lógica del cálculo. Estos científicos observan ante todo
la fuerza del poder, cualquiera que sea, y como no tienen otro deseo que el
de entregarse cómodamente al desarrollo de sus investigaciones, se someten
obedientemente a la autoridad dominante. La particular dedicación que exige
el pensar especulativo de las ciencias exactas disuade a los científicos de
todo interés por los acontecimientos vitales, y nada resulta más conveniente
a los gobernantes absolutistas que ciudadanos profundamente abstraídos en las
leyes físicas del mundo, y por completo despreocupados del orden moral al que
desearíamos estar vinculados. Sin duda los avances científicos deberían
proporcionar a la larga un nuevo impulso a esa suprema filosofía que juzga a
pueblos y a reyes, pero ese lejano futuro no inquieta a los tiranos: hemos
visto a algunos de ellos proteger las ciencias y las artes, pero todos han
temido a los enemigos naturales de esa protección, es decir, a los filósofos
y a los pensadores. De todas las artes, la poesía es la que más
inmediatamente incumbe a la razón. Y sin embargo la poesía no acepta el
análisis, ni el examen, que hace posible el descubrimiento y la difusión de
las ideas filosóficas. Quien con novedad y audacia desee hacer pública una
verdad, preferirá escribir a través del lenguaje que le proporcione un
pensamiento exacto y preciso; tratará, antes que atraer con la imaginación,
convencer mediante razonamientos. Con frecuencia la poesía se ha dedicado más
a alabar el poder despótico que a censurarlo. Las bellas artes en general
pueden contribuir, de formas diversas, y por su propio deleite, a elaborar
temas que resulten satisfactorios a los propios tiranos. Con los placeres
cotidianos las artes pueden distraer el espíritu de todo pensamiento
dominante, reducen al hombre al mundo de las sensaciones, infunden en el
ánimo una suerte de filosofía voluptuosa, de irresponsabilidad justificada,
de amor al presente y de despreocupación ante un futuro muy favorable a la
tiranía. En un singular contraste, las artes, que hacen agradable la vida, se
muestran bastante indiferentes respecto a la muerte. Por sí mismas las
pasiones nos atan fuertemente a la existencia, en una ardiente voluntad de
satisfacer nuestros deseos; pero una vida así, entregada a los placeres,
distrae sin cautivar, predispone a la embriaguez, al sueño, a la muerte. En
épocas a las que proscripciones sanguinarias han hecho célebres, romanos y
franceses se entregaban a las diversiones públicas con el mayor entusiasmo,
mientras que en las repúblicas prósperas los asuntos domésticos, las
preocupaciones serias, el amor a la gloria, limitan con frecuencia el ánimo
de exaltación incluso en las bellas artes. El único poder literario que hace
temblar a cualquier autoridad injusta es la noble elocuencia, la filosofía
independiente, que juzga ante el tribunal del pensamiento a todas las
instituciones y a todas las opiniones humanas. La excesiva influencia del espíritu militar es
también un inminente peligro para los estados libres, y sólo mediante el
progreso de las luces y del espíritu filosófico se puede prevenir un peligro
de esas características. Los militares se permiten despreciar a los hombres
de letras, porque en el talento de estos últimos la fuerza no siempre está
unida a la verdad de las acciones. Pero el arte de escribir sería también un
arma, la palabra sería también una acción, si toda la energía del espíritu se
implicara plenamente en ella, si los sentimientos se elevaran a la altura de
las ideas, y si la tiranía se viera seriamente combatida por todos aquellos
que la reprueban, mediante la justa indignación y la razón inflexible.
La disciplina militar proscribe cualquier forma
de opinión en el individuo. En este sentido, su espíritu de cuerpo es muy
semejante al de los curas: excluye específicamente el razonamiento,
admitiendo como norma única la voluntad de sus superiores. El constante y
prepotente ejercicio de las armas acaba por infundir desprecio respecto a los
lentos progresos de la persuasión. El entusiasmo que inspiran los vencedores
generosos es algo totalmente independiente de la justicia que representan. El
desenlace de la fortuna, el triunfo del valor, estimula la imaginación. Se
puede someter a los enemigos de la libertad ganando batallas, sin embargo,
para asumir interiormente los principios esenciales de la libertad, es
preciso que el espíritu militar desaparezca, y que el pensamiento, junto con
las cualidades más enérgicas —coraje, ardor, decisión— haga nacer en el alma
de los hombres una suerte de espontaneidad, de voluntariedad, que tiende a
desfallecer cuando, durante largo tiempo, somos testigos del triunfo de la
fuerza. El espíritu militar es el mismo en todas las épocas y en todos los
países; no caracteriza singularmente a ninguna nación, ni tampoco identifica
al pueblo de forma específica con una u otra institución, sino que lo propio
es que las defienda a todas por igual. La
elocuencia, el amor las letras y a las bellas artes, la filosofía, pueden por
sí mismas hacer de un territorio una patria, dando a la nación que la habita
los mismos gustos, las mismas costumbres, los mismos sentimientos. La
fuerza sobrepasa los tiempos y destruye las voluntades, y por eso mismo no
puede ser fundamento de nada entre los hombres. Con frecuencia se nos ha
repetido durante la Revolución Francesa que el despotismo era necesario para
establecer la libertad. Se trata de hacer con palabras un contrasentido por
completo ajeno a la verdad de los hechos. Las instituciones que se imponen
por la fuerza tratarán de imitar en todo las características propias de la
libertad, salvo en sus impulsos naturales; las formas serán en este caso como
esas réplicas que os causan pavor por su semejanza con los originales:
encontraréis en ellas todo, todo excepto la vida. |
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NOTA
[*] Staël, Madame de (1800), De la
Littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales,
Genève, Droz, 1959, en ed. de Paul Van Tieghem. Citamos por la ed. de G. Gegenbre y J. Goldzink, en Paris,
Flammarion, 1991 (76-82). Trad. esp. de Jesús G. Maestro.
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⸙ Enlace a la entrada correspondiente en la Crítica de la razón literaria
- III, 8.3.1.3 - La polémica entre clásicos y románticos.